J'ai écrit, il y a assez longtemps, un texte sur le deuil. Un enfant qui voit sa maman "partir". Depuis, je l'ai réécrit et réécrit maintes fois. Il a eu de bons retours, mais. Car il y a toujours un mais. C'est un thème très délicat, je le sais. Alors voici le texte en entier, si vous prenez le temps de le lire, j'aimerais beaucoup connaître vos avis, critiques... je suis toute ouïe.
Il s'appelle "Le voyage de maman".
Un jour, maman est partie en voyage dans les nuages.
« Un très long voyage », on m’a dit.
Mais je crois avoir entendu un mot interdit, car tout le monde autour de moi a fait « chuuuut ».
Je n’ai pas compris ce mot. Alors j'ai décidé de l'oublier.
J’ai pleuré dans mon coin, car je voulais partir en voyage aussi. Pourquoi maman avait-elle le droit de voyager là-haut et pas moi ?
Je l’imaginais au dessus des nuages, en train de faire des tas choses.
Maman qui arrose un jardin.
Maman qui tricote.
Maman qui attrape les oiseaux.
Tous les jours, j’attendais le facteur. J’espérais qu’il me porte une lettre.
C’était vraiment trop long !
Comme je ne savais pas encore écrire, j’ai découpé de jolis mots dans mon livre préféré pour les coller sur du papier. Et ma lettre est partie pour les nuages.
Le jour d’après, j’ai guetté le facteur. Et encore le jour suivant, et tous les autres jours.
Je lui demandais : « Y a-t-il une lettre parfumée à la fleur dans votre sac ? » Mais il n’avait pas ce genre de lettre.
Les pages de mon livre préféré étaient bientôt pleines de trous.
A l’école, j’avais appris l’alphabet par coeur. Je pouvais enfin écrire tout seul !
Même si ma première vraie lettre avait beaucoup de ratures :
« Chère maman,
Comment c’est dans les nuages ? Tu me manques. »
A chaque fois, je levais la tête pour regarder en l’air. Les nuages avançaient dans le ciel, et maman s’éloignait encore.
Comme le facteur ne me portait toujours rien, je me suis dit que maman n’avait pas réussi à lire mes lettres. A cause des ratures.
Alors j’ai bien taillé mon crayon, arraché une page à mon plus beau cahier, et me suis bien appliqué pour écrire :
« Chère maman,
Il est loin ton nuage ?
J’ai cueilli des fleurs sur le chemin de l’école. J’ai mis la plus belle dans l’enveloppe. Elle est pour toi ! »
Un jour, le ciel est devenu très noir et la pluie est tombée très fort. Et le lendemain matin, il n’y avait plus un seul nuage. Est-ce que son voyage était fini ?
« Chère maman,
Il n’y a plus de nuage dans le ciel. Alors tu vas revenir à la maison ? »
Une fois, le facteur m’a dit que mes lettres se perdaient peut-être en chemin car les nuages se ressemblent tous.
Alors, j’ai gonflé mes poumons et j’ai crié très fort vers le ciel : « Mamaaaan ! » Puis j’ai pensé : « Peut-être que maman regarde en bas, sous son nuage. »
Alors, j’ai voulu être un grand garçon. Et j’ai séché mes yeux.
Aujourd’hui, je ne regarde plus les nuages comme avant. A cause de ce mot oublié, je sais que ma mère n’est pas partie en voyage.
Je l’imagine encore en train d’arroser son jardin, de tricoter, et d’attraper les oiseaux.
Sauf que tout ça, elle le fait dans mon cœur.